Archives d’Auteur: Tuco

Rhétoriques de guerre

« His plan, McCain will say, is to win. The Democrats’ is to surrender, he will say »

Richard Cohen

L’éditorialiste star du Wahsington Post publie ce mois ci un papier assez brillant sur la rhétorique guerrière de McCain. Tirant parti de l’amélioration de la situation en Irak, McCain rappelle qu’il était l’avocat principal de l’augmentation du contingent militaire, opposé à l’époque au déni de Bush. McCain, quoique bien souvent trop belligérant selon les standards européens, parvient à ancrer dans l’opinion américaine que si les démocrates ne parlent que de retrait et de défaite, lui propose une sortie par le haut en martelant les promesses de victoire.

Le népotisme des pays arabes

Shlomo Ben Ami a dit:

« As countries like Egypt, Syria, and Lybia might be indicating, hereditary succession is not an inherently reactionary move. Rather, it means opting for a controlled transition to a post-revolutionary phase »

La tribune publiée ce mois ci par Ben Ami donne une lecture particulièrement fascinante du népotisme à la mode dans les pays arabes. La Syrie a déjà inauguré le phénomène avec le passage de Hafez à Bachir El Assad, et tout indique que la Lybie et l’Egypte pourraient suivre ces traces. Traces peu estimées en Occident, où ce mode politique n’est guère du goût des défenseurs de la démocratie moderne.

Oui mais voilà!  Ben Ami souligne que ce népotisme, loin d’être une survivance primitive d’un passé tribal, pourrait bien constituer un mode politique bien plus adapté au contexte socio-politique des pays en question, que la démocratie dont les résultats s’avèrent bien souvent peu au goût des puissances occidentales.

Une pierre de plus dans le jardin des orientalistes!

La supercherie Olivennes, ou la candeur politique face au piratage intellectuel

Denis Olivennes, dans son rapport sur la lutte contre le piratage intellectuel, a écrit :

« Il s’agit de rendre plus difficile et plus couteux le téléchargement illégal, et, inversement, plus facile et moins cher le téléchargement légal. »

Cette phrase est illustrative de la nature de ce rapport. Sur le plan pratique, il est irréaliste en proposant des solutions impossibles à mettre en œuvre. Sur le plan logique, il fait preuve de mystification en plaçant le débat sur le mauvais terrain.

Sur la faisabilité technique tout d’abord. Aucune des solutions proposées ne peut permettre un contrôle pratiquement réalisable et suffisamment exhaustif des échanges de fichiers illégaux n’empiétant pas sur la liberté individuelle des utilisateurs ou ne pénalisant pas les échanges légaux. Le contrôle de ports et de protocoles, le filtrage d’URL ou d’adresses IP, le marquage numérique sont des chimères lorsque la zone de contrôle est grande comme la planète, quand les utilisateurs contrôlent l’ensemble du cycle de piratage et ont accès aux technologies de cryptage et d’anonymisation les plus récentes.

Sur l’attractivité de l’offre légale ensuite. Il est dur d’imaginer que Mr Olivennes soit suffisamment candide pour effectivement croire qu’une large majorité de la population délaisse l’offre légale car elle est trop compliquée à utiliser. C’est une part si restreinte de la vérité qu’elle en est grotesque. Il s’agit d’être réaliste : les utilisateurs consomment l’offre illégale car elle est gratuite, et qu’elle constitue une bonne revanche sur le système en place.

Ce dernière explication n’est pas la moindre : de tout temps le piratage a autant constitué un moyen de s’enrichir facilement que de se rebeller contre le pouvoir en place. Les autorités ont choisi de désigner par « piratage » la mise en commun des ressources culturelles, elles doivent logiquement assumer les conséquences syllogiques de ce choix lexical. Que l’industrie peut elle attendre de consommateurs chaque année pris en otage par une politique tarifaire délirante ? Les instances culturelles ont beau jeu de tirer la corde sensible du juste prix de la culture quand une place de cinéma en 2008 coute 10 euros et une place de comédie musicale 80. Le piratage constitue une trop belle occasion pour le consommateur de prendre sa revanche sur le système.

Deux alternatives crédibles au piratage s’offre, à mon sens. La première sauve l’industrie cinématographique aujourd’hui. Si, en effet, les ventes de disques et de DVD s’effondrent, la santé du cinéma reste vigoureuse. Pourquoi ? Parce que les citoyens sont prêts à payer moins la propriété intellectuelle que l’expérience en elle-même. Contrairement aux arguments débilisants de l’industrie, l’expérience d’un film téléchargé reste peu ou prou la même que celle d’un film acheté. L’expérience d’une salle équipée des dernières technologies digitales, projetant sur un écran de 150 m ², reste en revanche incomparable et justifie les prix élevés pratiqués par les circuits.

Concernant la sphère privée, la révolution pourrait bien venir d’ailleurs. Longtemps conférée au rayon SF, les écrans 3D deviennent une réalité de plus en plus palpable. Sony et Phillips ont récemment présentés des équipements grands publics qui devraient être rapidement abordables, tandis que la production de contenu en relief devrait s’accélérer.
Avantage décisif pour l’industrie : si le contenu en relief n’engendre pas un surcoût de production très important, il créé cependant de hautes barrières au piratage.

La deuxième alternative est moins réjouissante car elle est axée sur la régulation plutôt que sur l’innovation. Elle pourrait cependant être rapidement mise en œuvre, pour de simples questions de survie du réseau mondiale. La lutte contre le piratage ne serait en effet qu’un corollaire d’une politique de contrôle qui a pour ambition première de réguler le volume de données transitant par les réseaux. Un récent rapport de spécialistes s’inquiète en effet d’une possible saturation des réseaux à court terme, due au développement exponentiel du haut débit. Une solution crédible est actuellement à l’essai par un fournisseur d’accès à Internet dans le sud des Etats Unis : casser le modèle tarifaire forfaitaire pour adopter un paiement au volume. Si cette politique de prix ne devrait pas pénaliser les utilisateurs médians d’Internet, les gros volumes de données devraient rebuter les abonnés (un film « pèse » 10.000 fois plus lourd que la une du Monde).

Par l’innovation ou par la régulation, le piratage peut être menacé à court terme. Certainement pas par les prétentieuses mesures de Monsieur Olivennes, mais plutôt par une évolution naturelle de l’écosystème numérique.

Séparation Etat /Eglise, acte I

Nicolas Sarkozy a dit :

« Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance. »

Délicat sujet que celui de la séparation entre l’état et l’église. Délicat, en fait, car le principal argument contre la position de Sarko est également son argument rhétorique le plus faible : à se cacher systématiquement derrière la sacro-sainte laïcité de 1905, on n’en vient à ne plus savoir pourquoi cette laïcité étatique est si précieuse. Gardons ce sujet au chaud, je voudrais simplement réagir à cette déclaration en détaillant un peu mon indignation.

Cette prise de position me choque en effet pour trois raisons :

1) Sarkozy semble insinuer qu’une société démocratique ne peut pas fonctionner sans religion. Je lis ça comme une remise en question de la laïcité puisqu’indirectement, le président des français est convaincu que le système démocratique est insuffisant dans sa forme actuel : un regroupement d’individus indépendants dont la cohésion n’est pas garanti par le partage d’une foi mais par la mise en commun d’idéaux politiques!
2) Pire, la phrase laisse un arrière gout de culpabilisation pour les citoyens athés. Ceux qui ne sont pas élevés au contact d’un homme de foi ont une éducation incomplète et peut être une morale défaillante. Cela suffirait-il à expliquer les troubles actuels?
3) Enfin, il me semble particulièrement maladroit de ne retenir que le curé ou le pasteur. Soit tu ne retiens que le ministre de ta foi, soit tu as la délicatesse de mentionner ceux des autres grandes religions, mais tu ne t’arrêtes pas en chemin!

Carton rouge, donc…

Un président indépendant aux US? Ca n’a pas de prix!

Michael Bloomberg aime répéter:

« A short, jewish, divorced billionaire doesn’t have a chance to be elected president! »

Les primaires américaines ont été lancé ce week end avec le premier caucus, en Iowa. Les regards vont être braqués pendant les trois prochains mois sur la course à la nomination pour chaque parti, d’où sortiront les candidats à la présidentielle de novembre. Pour les républicains et les démocrates du moins.

Car si je devais parier un penny sur un candidat, ce serait ni sur Obama, ni sur Hilary, encore moins sur Roomey ou Giulani, mais plutôt sur Bloomberg.

Oui, Bloomberg !! Car l’homme, mes amis, qui a inventé la télévision pour les bacs +14, cet homme là est également milliardaire et indépendant.

bloomberg.jpg Quel avantage celui lui donne-t-il dans la course à la présidence me demanderez vous ? Question purement rhétorique tant la réponse est évidente. Avec 5 milliards de dollars sur son compte courant, Bloomberg peut se permettre de dépenser un dixième de sa fortune et il sera déjà doté d’un budget quatre fois supérieur à celui de Clinton et Obama. Le problème du budget est doublement épineux : la sur-médiatisation du débat politique impose une présence de tous les instants à la télévision, dans les XX, et un confortable budget est un atout incomparable. Mais la course au fric présente également un vrai désavantage : une grande partie du temps des candidats et de ses équipes est consacrée au fund-raising, et, plus grave, une grande partie de leur intégrité se perd dans les inévitables compromissions avec les lobbyings. Car faire preuve de bon sens dans ses discours peut faire mal au budget si un donateur habituel n’entend pas ce qui lui plaît. Et la liste des sujets délicats est longue : transports en commun, sécurité sociale universelle, port d’arme, etc.

Et Bloomberg est indépendant. Pas depuis longtemps, certes, car l’homme a rendu sa carte du parti républicain en juin. Et monsieur est coutumier du fait, puisqu’il était auparavant démocrate, avant de retourner sa chemise pour mieux conquérir la mairie de New York (les républicains ont le vent en poupe à Big Apple depuis les mandats de Giulani et la menace terroriste).

Le calcul de Bloomberg est habile :

faire campagne sous la bannière d’un grand parti, c’est nécessairement affronter 6 mois de précampagne pour obtenir la nomination officielle (primaire). C’est du temps, du budget, de l’énergie, et de l’intégrité déjà dépensée, avant même le début de la campagne

le parti républicain est au plus mal après les mandats désastreux des néo conservateurs. Le parti prend ses distances avec Bush, mais le handicap est sérieux. Les démocrates sont mieux lotis, mais à peine ! Les élections du mid-term ont placé en 2006 une majorité libérale au Sénat, mais les avis sont très critiques sur l’action de la chambre haute depuis (lire l’éditorial de Karl Rove publié dans le Wall Street Journal).

 

Bloomberg peut attendre. Attendre de connaître ses adversaires potentiels, à l’issue des primaires. Ce qui lui laissera apprécier la marge de manœuvre pour un indépendant : elle sera plus grande placé entre John Edwards et John Mc Cain que entre Clinton et Mitt Romney.

Bloomberg peut payer. Ses campagnes victorieuses pour la mairie de New York ont été financées en grande partie sur ses deniers privés.

Bloomberg est crédible. Il a bâti son empire tout seul, et son bilan à la tête de New York reste globalement apprécié des habitants de Big Apple.

Bloomberg garde jusqu’à présent sa liberté de parole, son temps, et son énergie, il a l’incomparable privilège de pouvoir se découvrir après tout le monde.

Ira, ira pas ? Le milliardaire refuse de donner une réponse catégorique, mais multiplie les signaux contradictoires… Wait and see !